Les Français et la retraite

Posted by Pierre Igot in: Society
June 14th, 2003 • 1:58 am

Cela fait plusieurs semaines maintenant que la France est sous l’emprise de mouvements de grève qui n’en finissent pas, dans divers secteurs, dont l’enseignement, la fonction publique en général, les transports, etc.

Le motif principal de ces grèves est la réforme des retraites proposée par le gouvernement. Comme la plupart des démocraties occidentales, la France fait face à une crise démographique qui met en péril son régime de retraite sous sa forme actuelle. La plupart des spécialistes s’entendent sur le fait qu’il faut faire quelque chose.

Alain Juppé avait déjà essayé, en 1995. Cela lui avait coûté cher.

Raffarin ne s’y prend pas beaucoup mieux et la contestation est vive.

Vus de l’extérieur, les Français apparaissent comme des râleurs qui croient dur comme fer que leur retraite sous sa forme actuelle est un droit auquel il est hors de question de renoncer. Ils ne semblent pas prêts à “sacrifier” un peu de leur retraite au nom des générations à venir.

Tout cela me semble être en fait un faux débat. Le vrai problème est que les Français soient si attachés à leur idée de la retraite. Une des raisons qui m’ont fait quitter le pays est précisément que le malaise de la société française actuelle (depuis un certain temps déjà) tient au fait que trop de gens “ordinaires” souffrent excessivement dans leur vie personnelle et professionnelle pendant les premières décennies de leur vie d’adulte dans l’espoir de pouvoir “profiter” davantage de la vie une fois qu’ils seront plus âgés, que leurs dettes seront remboursées et que leur salaire sera enfin devenu conséquent. Ils semblent trop résignés à l’idée de “sacrifier” leur trentaine et leur quarantaine dans l’espoir de pouvoir profiter de la cinquantaine et surtout de la soixantaine. L’ancienneté joue un trop grand rôle dans le calcul des salaires. La qualité de la vie est médiocre quand on est obligé de louer un logement à 1 heure de son lieu de travail, dans un quartier pas folichon, parce qu’on n’a pas les moyens de se payer le logement qu’on pourra s’offrir quand on sera plus âgé.

Il s’agit en fait d’un mal urbain mais, dans nos sociétés modernes, l’urbanité est quasiment inévitable. Le cas de la France est loin d’être unique. Mais la concentration urbaine y est particulièrement problématique, comme dans les autres pays européens dont la superficie disponible est limitée. Sa situation géographique, son climat, sa culture et ses traditions en font un pays qui n’est, de nos jours, plus particulièrement agréable dans la vie au jour le jour pour un grand nombre de ses habitants. Les maux urbains qu’ils subissent (violence, bruit, pollution, etc.) atteignent souvent un niveau que je trouve intolérable — et pourtant la plupart des gens semble résignée à les subir “en attendant mieux”.

Ce dont il faudrait que la société française se défasse, en fait, c’est l’idée que ce sacrifice sur le plan de la qualité de vie en vaut la peine. Au lieu de se rebeller contre la réforme des retraites, ils devraient se rebeller contre le pourrissement de leur vie quotidienne aujourd’hui. Quand on a une qualité de vie relativement bonne, la question de la retraite et de ce qui nous y attend devient moins pressante. Cela ne me dérangera pas, je pense, de travailler au-delà de 60 ans, dans la mesure où j’ai déjà maintenant, à l’âge de 35 ans, une qualité de vie plutôt satisfaisante. Je ne connais que peu de mes compatriotes qui partagent ce point de vue.

Évidemment, si on suit cette logique jusqu’au bout, au jour d’aujourd’hui, il faut prendre des mesures radicales, comme celle de quitter le pays. Ce n’est pas évident. Mais c’est la seule solution que j’aie trouvée.


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