Jean-Louis Murat, “New Yorker” (2000)

Posted by Pierre Igot in: Music
January 12th, 2004 • 1:51 am

Il faut être Murat pour choisir de reléguer un tel bijou au statut de “face B” (du maxi-single de la chanson “Au Mont Sans-Souci” tirée de l’album Mustango) ou encore d’inédit live (sur l’album Muragostang).

Superbe chanson, donc, sur la tentation du départ, du dépaysement, sur la tranquillité de l’exil anonyme, mais aussi, d’une certaine manière, sur le mal du pays. La chanson suit un parcours, en commençant par l’impulsion, le départ un peu forcé :

On compte les fuseaux horaires
On se bouscule les manières
On se dit putain poussière
Vole dans une autre lumière

L’impulsion devient réalité, le dépaysement est réussi, la sérénité est totale, et puis “un jour revient le spleen“, inévitablement fertile, inévitablement déclencheur du retour à soi. C’est évidemment là que la chanson devient immédiate, personnelle, intime :

Viennent alors d’autres chansons
Qui nous surprennent par ce ton
Ce ton un peu moins fragile
Qui nous laisse tout étonné

Murat est artiste, chanteur, mais le spleen de l’exil et ce qu’il engendre sont universels et c’est en cela que la chanson peut toucher n’importe quel auditeur, pour peu que celui-ci prête l’oreille.

L’artiste passe alors, en fin de compte, du décalage horaire au décalage linguistique, avec ces mots en français “qui ne réparent que de l’usé“. Et on glisse, inévitablement alors, vers la pensée du retour :

C’est dur le choix d’une vie
Quand on n’a plus le choix du pays
Un jour pas plus avancé
On se dit, tiens, je vais rentrer

Il présente curieusement comme un fait ce qui est précisément à la source du retour, c’est-à-dire le fait qu’on n’aurait “plus le choix du pays“. Aveu d’impuissance, de limite, d’incapacité de devenir vraiment autre.

Comme toujours, ce ne sont pas les paroles seules qui font la force du morceau. L’instrumentation est réduite à sa plus simple expression (guitare acoustique), mais avec quand même cette guitare électrique en arrière-plan dont la plainte devient progressivement plus intense. Mais c’est surtout, encore une fois, la mélodie simple, évidente, imprenable, qui tourne en boucle et dont on ne peut pas se lasser.

Viennent alors à l’esprit, plus tard, longtemps après avoir écouté ou réécouté, des phrases, des bribes — comme la moitié de phrase “On se dit putain poussière” — dont on se dit qu’elles ne peuvent être que de lui, qu’elles ont l’évidence d’un art au sommet de sa présence.


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