Jean-Louis Murat, Parfum d’acacia au jardin (2004)

Posted by Pierre Igot in: Music
April 5th, 2004 • 10:24 pm

Parfois, on dirait quand même qu’il fait un peu exprès, Jean-Louis Murat. Il se plaint régulièrement à qui veut bien l’écouter qu’il ne vend pas assez, qu’il mériterait de vendre plus — et je suis bien d’accord sur le fond — mais croit-il vraiment que ça aide de sortir une oeuvre avec un titre pareil? :-)

Je n’ai rien contre le titre en soi, bien entendu, ni contre la chanson titre, d’ailleurs, qui est plutôt réussie. Mais je doute quand même que le choix de ce titre pour le DVD (avec CD bonus) favorise l’élargissement du public visé par Jean-Louis Murat. “Parfum d’acacia au jardin”, pour qui n’a pas entendu la chanson (et même pour qui l’a entendue), cela fait un peu précieux… et je ne suis pas sûr que mettre l’accent sur la préciosité du chanteur soit une bonne façon de le rapprocher d’un grand public dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne penche pas, ces temps-ci, pour la subtilité.

Bref, je ne pense pas que les ventes de ce DVD seront particulièrement élevées. Et pourtant, elles mériteraient en effet de l’être, parce que cet enregistrement “live en studio” contient suffisamment de perles pour satisfaire même les paires d’oreilles relativement peu attentives.

Le récent double album Lilith a bien montré que, malgré la rapidité d’enregistrement, Murat était capable de livrer une oeuvre d’une excellent finition. Ici, il pousse presque le défi à l’extrême, avec un enregistrement sur une seule journée (ou trois si l’on compte les deux journées précédentes, dont les fruits se retrouvent sur le CD bonus et aussi sur la version acoustique de l’album diffusée sur Internet).

Jean-Louis Murat est un chanteur et musicien très doué, ce qui fait que ces prestations en concert sont toujours intéressantes et souvent passionnantes. Il est aussi capable de produire d’un seul jet, seul à la guitare ou au piano, des versions acoustiques qu’un travail ultérieur en studio ne permettrait pas d’améliorer sensiblement.

Par contre, pour les chansons interprétées en version “électrique” avec musiciens, on est en droit de regretter le fait que Murat ait choisi de ne pas sortir de versions studio de ces chansons, surtout après ce que Lilith a montré que Murat était capable de faire.

En l’état, ce DVD est donc un produit hybride, avec des morceaux acoustiques splendides (“Au cabaret”, “En souvenir de Jade”) et des morceaux avec musiciens (et choriste) qui ne sont pas tous aussi “polis” qu’on aurait aimé. (Les déconnades sur la fin de certains morceaux, par exemple, n’ajoutent pas vraiment grand-chose et n’auraient sans doute pas survécu à un mixage en studio.)

Reste qu’on ne peut pas s’empêcher de penser qu’un morceau comme “Plus vu de femmes”, par exemple, est suffisamment bien exécuté (et d’une grande qualité intrinsèque) pour mériter un public plus large. Y aura-t-il des singles extraits de ce DVD? On en doute un peu, d’autant que Murat dit être déjà en train de travailler sur son prochain album studio prévu pour l’automne (et apparemment aussi sur un coffret de 50 “inédits et autres conneries” pour la fin de l’année!).

Ce DVD est aussi mon premier album de Murat découvert en tant que “fan”, c’est-à-dire en tant que personne qui connaît désormais de façon assez approfondie une grande majorité de la production de l’artiste. Il m’est donc plus facile de distinguer des filiations entre morceaux de différentes époques et c’est quelque chose à quoi l’esprit se livre tout naturellement, sans que cela signifie nécessairement que l’artiste se répète. Au contraire, je dirais sans hésiter que le morceau “Plus vu de femmes”, du point de vue mélodique, rappelle par certains aspects “Gorge profonde” (Le manteau de pluie, 1991), mais constitue dans son ensemble une bien plus grande réussite artistique. On pourrait donc dire qu’il y a non pas répétition, mais plutôt approfondissement du travail artistique et amélioration du résultat.

De même, “Qu’entends-tu de moi que je n’entends pas?” s’inscrit dans la lignée de morceaux comme “Le lien défait” — lui-même existant sous deux versions en concurrence, la version de l’album Le manteau de pluie (de nouveau) et celle du single de la même année, ce qui indique déjà à l’époque un caractère inachevé, une volonté de retravailler, de peaufiner, d’aller plus loin.

La dimension funky des dernières aventures musicales de Murat (voir “Vaison-La-Romaine” sur Le moujik et sa femme et “Le cri du papillon” et “On ne peut rien en dire” sur Lilith, par exemple) se retrouve aussi ici dans des morceaux comme “Ton pire ennemi”, “Call Baby Call” et “Dix mille (Jean) louis d’or” — ce dernier rappelant d’ailleurs plus clairement “On ne peut rien en dire”.

Bref, dans cette période prolifique de la carrière du musicien, on continue d’accumuler les perles et les trésors — et le superbe “Ce qui n’est pas donné est perdu” est aussi à lire, entre les lignes, comme une justification de cette volonté de tout donner tant qu’il est encore temps.


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