Le blogue de Paul Martin (suite)

Posted by Pierre Igot in: Language
November 21st, 2003 • 5:35 am

On m’a fait des commentaires (hors ligne) sur le fait que j’étais un peu méchant vis-à-vis de Paul Martin et de son blogue dont je trouvais la traduction française pitoyable.

C’est évidemment plus facile de critiquer que de faire… alors je me suis dit que la façon la plus constructive d’illustrer mon propos était de proposer ma propre traduction… Ce n’est rien de bien folichon, mais au moins j’ai tâché d’éviter tout anglicisme flagrant et de remplacer les expressions idiomatiques anglaises par des équivalents en français.

Pourquoi est-ce que j’écris mon propre blogue?

C’est une bonne question. C’est d’ailleurs la question que j’ai posée à mon équipe lorsqu’elle m’a suggéré d’écrire un blogue. Il n’est pas question pour moi, après tout, de prétendre que je suis le genre de personne qui passe son temps à naviguer sur le Web. Pour être honnête avec vous, jusqu’à il y a quelques semaines à peine, je n’avais aucune idée de ce qu’était un « blogue ». En ce qui me concerne, ce mot faisait penser à une créature sortie tout droit d’un marécage glauque.

En fait, j’ai découvert qu’écrire un blogue était quelque chose que j’aimais bien et ce, pour deux raisons. La première est que le blogue m’offre la possibilité d’exprimer mes pensées en public sans avoir à subir tout le stress lié à la rédaction d’un discours important ou même à une simple mêlée de presse. (Là encore, le mot anglais « scrum » me fait penser à une créature glauque des marécages… à bon droit, d’ailleurs!)

D’autre part, je n’ai jamais vraiment été attiré par l’idée de tenir un journal intime (à la différence de mon père, qui tenait méthodiquement son journal et a fini par publier ce qu’il avait écrit pendant la période où il avait été haut commissaire à Londres). Cependant, la forme du blogue me donne l’occasion de noter mes propres opinions sur les événements du jour ou de la semaine. Les médias ont certes tendance à suivre mes déplacements d’assez près, mais il n’empêche qu’il y a beaucoup de choses qui leur échappent. Il y a deux semaines, par exemple, alors que je menais campagne à Windsor, j’ai eu l’occasion de me rendre sur la tombe de mes parents et aussi de visiter leur ancienne maison. Cet événement ne méritait certainement pas de faire la une des journaux, mais il a malgré tout été une immense source de plaisir pour moi.

En bref — et, d’après ce qu’on me dit, dans un blogue, il vaut mieux rester bref –, je vais continuer de tenir à jour ce blogue, en y notant régulièrement mes pensées et mes observations au fil du déroulement de la course à la direction du Parti libéral. Je parlerai tantôt de politique tantôt de ce qui se passe dans ma vie. Je ferai de mon mieux pour que cela soit intéressant — mais je ne peux rien garantir!

C’est peut-être du « français standard », mais je suis sûr que ça n’empêche personne de comprendre… et surtout ce n’est pas entaché de fautes graves.

Dans la traduction qui apparaît sur le site, je note en particulier les deux grosses horreurs suivantes :

  • « ce n’est pas comme si je » est un calque direct de l’anglais it’s not like I…. Cette tournure n’a pas d’équivalent direct en français. Il faut formuler les choses autrement.
  • « pour faire une histoire courte » est un calque direct de l’anglais to make a long story short. Ici encore, il s’agit d’une expression anglaise idiomatique qui n’a pas d’équivalent direct en français, où on utilise simplement « Bref » ou « En bref ».

Il y a bien d’autres problèmes encore dans cette traduction. Par exemple,
« Une autre expression qui » est un calque direct de l’anglais another word that. C’est une erreur malheureusement très répandue consistant à traduire « other » par « autre » alors que le français utilise l’adverbe « encore ». Mais évidemment, cela oblige à refaire la phrase entière. C’est bien le problème. Les traducteurs croient trop souvent qu’ils doivent se conformer à l’original anglais sur le plan de la syntaxe. C’est entièrement faux et cela donne des traductions de piètre qualité.

Je passe aussi sur les fautes de grammaire élémentaires (« ce qu’étais un blog », « les mémoires qu’il a écrit »).

Non, vraiment, je ne trouve pas d’excuse. C’est vrai que la forme « blog » est de nature informelle et plus proche de la « conversation » que de la langue écrite (encore que…). Mais cela ne justifie pas l’emploi d’anglicismes flagrants qui ne relèvent d’aucun « régionalisme », mais simplement d’une paresse linguistique.


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